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J o u r n a l   d e   T c h e r n o b y l,   1 è r e   p a r t i e

Journal de Tchernobyl, 1ère partie

 

Journal de Tchernobyl de Michael Pettet est une série de peintures numériques abstractisées qui tire son inspiration de la catastrophe nucléaire la plus désastreuse de l’Histoire, ainsi que des préoccupations environnementales actuelles. Elle se base sur les événements qui ont eu lieu en 1986 à la centrale nucléaire de Tchernobyl, lorsqu’une simulation de panne d’électricité a entraîné une explosion et un incendie, exposant le cœur du réacteur. L’émission de particules radioactives qui en a découlé a provoqué, outre des maladies radioactives aiguës et la mort, des déformations touchant plusieurs générations de faune et de flore, dont on observe encore les conséquences aujourd’hui et que l’on continuera d’observer dans les années à venir.

 

Comme le suggère le nom de la série, les œuvres exposées offrent un commentaire personnel sur l’incident de Tchernobyl et ses répercussions : il est question de l’impact que celui-ci a eu sur la région, mais aussi, d’un point de vue plus large, de l’influence pernicieuse qu’a exercé l’humanité sur l’environnement en général. Journal de Tchernobyl retrace l’histoire complète de la catastrophe de la centrale ; celle à la fois réelle et visible dans la ville abandonnée de Prypiat, mais aussi celle née de l’esprit de l’artiste après sa récente visite du site. On peut ainsi observer des peintures qui font référence à l’explosion et ses conséquences immédiates, et d’autres qui évoquent la récente renaissance que connaît la région, malgré son hostilité permanente pour les humains. En outre, l’artiste nous présente à des images post-modernes du néant engendré par les éradications à grande échelle et nos styles de vie décadents.

 

Vues à travers le prisme d’une menace nucléaire continue et d’une méfiance avérée envers le monde moderne, nos propres capacités destructives apparaissent comme évidentes. L’anéantissement atomique est un fatalisme de longue date qui s’exprime dans la culture populaire depuis la naissance du modernisme, et a particulièrement été virulent tout au long de la période de la Guerre froide. Son association d’un scénario d’apocalypse religieux et de détails du paysage aux airs de fin du monde de Tchernobyl permettent à Pettet de réaliser une interprétation contemporaine du sujet. Il rend par la même occasion hommage à des artistes tels que Malevitch et Tarkovski qui ont également exploré, ou tout du moins fait allusion, à l’abîme où nous conduisent de tels principes.

 

L’artiste dénonce la façon dont les hommes jouent avec la nature ; ses œuvres sont une critique de l’hédonisme et de la modernité inconséquente. Nous méprisons notre dépendance à la nature et divorçons de notre environnement pour nous immerger dans la technologie et la consommation. Nous nous concentrons sur le coût monétaire plutôt que de valoriser le monde qui nous entoure, à nos dépens. L’attention du spectateur est attirée sur la différence d’échelles offerte par les peintures : tandis que certaines semblent plonger au cœur de proportions microscopiques pour mettre l’accent sur les modifications causées par les radiations au niveau moléculaire, d’autres, en revanche, représentent de vastes paysages apocalyptiques qui s’étendent au-delà de tout lieu et de toute époque. Pettet encourage le spectateur à observer de façon attentive et critique, à explorer ce qui se trouve à l’intérieur et à l’extérieur de son être. C’est d’ailleurs précisément là que réside la plus grande force des œuvres de l’artiste : son expression artistique réside souvent dans des éléments et détails sophistiqués qu’il est difficile de remarquer et saisir tous à la fois, ce qui permet aux œuvres d’évoluer en en permanence et d’ouvrir la voie à de nombreuses interprétations qui peuvent changer et évoluer avec le temps.

 

Ce qui rend le sujet particulièrement difficile, à la fois pour l’artiste et ses spectateurs, est le fait que les événements représentés font partie de notre mémoire vivante et de notre conscience collective, et que nous n’en connaissons pas encore le plein impact. Néanmoins, cela signifie également que les spectateurs sont naturellement poussés à s’intéresser au thème à un niveau personnel et peuvent échanger un dialogue riche de sens avec les œuvres exposées. En outre, le sujet est voué à conserver sa pertinence pendant un moment, en raison des nombreuses inconnues qui entourent cette histoire encore en quête de conclusion. Tandis que l’artiste évoque la possibilité d’une apocalypse imminente, il fait également germer l’idée que quelque chose dans notre monde ne va pas et doit absolument changer. Pettet ne juxtapose pas seulement l’humanité et la technologie à la nature ; il avertit de l’existence d’une différence essentielle entre les deux (partis) : l’un peut perdurer sans l’autre, et le fera.

 

Texte d’Ugne Kleinauskaite, 2019

Translation by Sarah Brandmeyer - 2019

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