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p   o   r   t   r   a   i   t   s

Portraits

         Dans notre tentative d'apparaître chacun comme un individu original et unique, nous avons adopté des outils visuels globaux pour présenter notre personne ; nous nous sommes emprisonnés dans le besoin d'observer, de normaliser, et de nous faire remarquer. À travers cette démarche s'est créée une conscience à laquelle nul ne peut échapper : celle d'une visibilité permanente, dans laquelle nous sommes à la fois acteurs et produits de consommation. La nécessité socialement construite de se démarquer des autres a tourné nos regards vers ceux qui ont réussi cette entreprise par le passé et qui ont guidé nos pas aveugles dans les leurs, effaçant progressivement notre personne intrinsèque pour créer des identités morcelées, témoignant avant tout de notre besoin d'être aimés.

 

         Portraits est une série de peintures numériques de Michael Pettet, en cours de réalisation. Amour-propre, personnalités superficielles, narcissisme numérique, vision de soi disproportionnée : ces travaux offrent une critique sociale de ces différents sujets, qui trouvent en grande part leur fondement dans les médias sociaux et internet, et dans la visibilité si facile d'accès qui les accompagne. Les œuvres de Pettet sont centrées sur des visages humains fusionnés numériquement afin de former des unités uniformes : ainsi, le spectateur est présenté à un monde incroyablement familier, qui pourtant demeure anonyme. L'artiste explore un espace individuel vaste présent dans chacun d'entre nous à travers l'idée d'un piège dans lequel nous sommes pris :  celui de nos esprits, de nos idées préconçues de la beauté, de la promotion éhontée que nous faisons de notre personne. Des morceaux de villes, de murs, de montagnes n'appartenant à aucun temps ni espace se devinent à l'arrière-plan de plusieurs des œuvres exposées. Ceux-ci traduisent l'impossibilité d'échapper aux murs que nous construisons autour de nous, idée également exprimée à travers l'uniformité technique de cette série.

        

         Tout en étant ancrés dans la réalité d'aujourd'hui, les réalisations de Michael Pettet trouvent leur inspiration dans les motifs bibliques, le cinéma classique, la littérature et la pensée philosophique moderne  ; elles sont riches d'un symbolisme instruit à la fois universellement reconnaissable, et né d'un esprit individuel. Bien souvent, ces œuvres apparaissent comme la traduction visuelle de la prison panoptique de Bentham et de Foucault. Cependant, plutôt que de permettre à une figure centrale, logée dans une tour d'observation, de surveiller les détenus sans que ceux-ci puissent savoir s'ils sont observés, ici nous sommes présentés à des personnages placés dans des scènes mentales, au centre d'univers personnels. Ainsi, ces environnements affirment leur contrôle sur notre comportement  et notre individualité, par opposition à l'idée panoptique, en maintenant le concept de prison psychologique.

 

         Tandis que certains des travaux exposés étudient l'esprit individuel, d'autres analysent les relations interpersonnelles, les différentes conceptions de l'intimité, l'âge adulte, l'amour, ainsi que les croyances sexuelles, par des références au fétichisme et à la culture comme marchandise. L'artiste se penche sur le sujet de la beauté, et le besoin construit de représenter les personnes comme des objets d'art destinés à être admirés. Son sens esthétique de la laideur est aussi dérangeant que ses exemples de beauté idéale ; néanmoins, les deux sont liés par le thème récurrent de la discordance et du désespoir. Le monde dépeint dans son travail n'est en rien accueillant  ; pourtant, il s'agit du nôtre.

Ugnė Kleinauskaitė - 2016

Translation by Sarah Brandmeyer - 2017

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